5 ans s’étaient écoulés depuis les jours où j’avais compris que j’étais homosexuelle. 5 ans à le vivre seule sans en parler à personne. Et puis enfin mon premier coming out, une amie avec qui je partageais ma chambre d’internat. Tu te souviens, nous étions occupées à sauver les otaries du jardin botanique quand je me suis lancée. J’avais tellement peur de perdre cette amitié que je ne m’attendais pas à entendre ‘’oui d’accord, moi j’ai mangé une choucroute hier, mais sinon, qu’est-ce que tu avais de si important à me dire… ‘’
Puis petit à petit, au fil des années, je l’ai dis à tous ceux qui m’étaient proches, qui d’ailleurs accueillaient cette nouvelle comme presque banale.
Et puis amies après amies, toutes mes relations les plus proches étaient au courant, toute sauf ma famille. Alors je ne me sentais toujours pas complètement libérée.
Mentir, ou ne rien dire, inventer un petit ami pour ne pas éveiller les soupçons, tout ça devient toujours un peu plus pesant, mais on fait avec, on redouble tellement de vigilance auprès de sa famille qu’on se découvre même quelque fois de vrais talents de comédien.
Pour ma part rien ne pressais, j’avais décidé que je ne leur dirais pas tant que je n’étais pas avec quelqu’un.
A l’époque, il y a environ 15 ou 20 ans, ma relation avec mes parents n’étaient pas des meilleures, Ils ne manifestaient pas vraiment d’intérêts pour tout ce qui me concerne, des parents très occupés par leur travail. Et surtout des idées bien arrêtés, toujours très différentes des miennes, qui laissaient transpirer une certaine intolérance, et surtout la perspective évidente que ma révélation seraient inadmissible pour eux.
J’entendais leur réponse :
‘’Bah tu dis n’importe quoi‘’ ; ‘’Qui t’as mis cette idée dans la tête‘’ ; ‘’Tu t’es encore laissée entraîner‘’ ; ‘’Tu dis ça pour nous faire du mal‘’ ; ‘’J’ai honte d’avoir une fille pareil‘’ ; ’‘Tu me dégoûtes‘’ ; ‘’Tu vas arrêter ça tout de suite‘’
D’ailleurs un jour alors que 2 lesbiennes étaient venues à la boulangerie pâtisserie que tenait mes parents, ma mère étaient revenue à la cuisine, en me disant ‘’Tiens c’est 2 filles là c’est des gouines ‘’, alors j’ai tenté d’en savoir plus sur ce qu’elle en pensait en lui disant que s’était pas très grave, et qu’elles pouvaient bien vivre comme elles voulaient, ma mère était parfaitement d’accord avec moi et puis elle à rajouter cette phrase terrible :’’ M’enfin tu te rends compte, les pauvres parent !! ‘’ Ce qui vous l’imaginez a mis un terme définitif à notre discussion.
Depuis, ils ont évolué sur leurs fameuses idées arrêtées. Quelques événements important y ont contribués c’est vrai. Des problèmes de santé qui inquiète tellement que je pouvais leur annoncer n’importe quoi, rien n’étais plus important que d’être bien portant.
Des fâcheries de famille qui bouleversent et qui font dire : ’’ Tu sais, il peut se passer n’importe quoi, il ne faut jamais se fâcher entre parents et enfants’’ Avec tout ça j’étais armée pour leur parler.
En novembre 99, alors que j’étais avec quelqu’un, j’ai ressenti l’irrésistible besoin de leur parler. Avec l’aide et le soutient de mon amie à l’époque, et avec ces 2 événements encore récents, je me suis décidée à leur dire. Je m’étais donnée 2 mois pour le faire, et quoiqu’il arrive je m’étais promis de leur dire avant le dernier week-end de janvier 2000.
J’ai tenue promesse puisque je leur ai dis le dernier dimanche de janvier. Durant ces 2 mois je leur ai simplement annoncé que j’étais avec quelqu’un en prenant bien soin de ne jamais avoir à mettre un ‘’il’’ ou un ‘’elle’’ devant aucune de mes phrases. Mais mes parents ne comprenaient pas pourquoi je ne voulais pas leur dire son prénom.
Nous voici le Dimanche 30 janvier 2000.
Le midi, à l’heure du repas, toujours propice à ce genre d’exercice. J’avais décidé d’attendre la fin du plat principal pour leur dire. Histoire d’avoir quelque chose dans l’estomac pensant que personne ne pourrait plus rien manger après.
Une fois le plat de résistance terminé, c’était insupportable, je ne pouvais plus résister, mon sang bouillait, et je ne contrôlais plus rien, il fallait que ça sorte.
‘’J’ai quelque chose de très important à vous dire ‘’
Mes parents sont devenus joyeux et souriant, enfin j’allais leur parler de mon ami. Et puis j’ai commencé à tourner autour du pot en prenant plein de précautions, j’ai commencé à leur dire que ce n’était sûrement pas ce à quoi ils s’attendaient, que j’avais très peur de leur faire de la peine, et que je ne savais pas comment leur dire’’ ça plantait le décors mais ça n’a rien enlevé à leur joie, comme s’il n’avait pas compris que je les mettais en garde de quelque chose, ou comme s’il savait déjà
‘’ Mais tu sais on a changé, aujourd’hui on est capable d’accepter beaucoup de choses, tu peux tout nous dire, on ne te jugera pas ‘’
A croire qu’ils savaient tout, je ne comprenais plus rien.
‘’ Je sais que vous avez changé, vous pouvez accepter beaucoup de choses mais sûrement pas ça ‘’
‘’ Mais si, dis nous ce que tu as à dire, on peut tout entendre ça ne changera rien ‘’
J’avais déjà beaucoup de chance qu’ils me parlent ainsi, j’ai donc commencé en leur disant que je voulais leur parler de mon amie
‘’ Oui, et bien vas-y on t’écoute ‘’
Et ils souriaient, ils avaient l’air tellement sûr d’eux et heureux que je leur parle enfin de mon amie
Et j’avais de plus en plus peur
‘’ C’est trop dur, vous ne vous attendez pas à ça ‘’
‘’ Mais si vas-y maintenant on t’écoute ‘’
On aurait dis qu’ils s’étaient préparer au pire, et que rien ne viendrait gâcher leur joie
‘’ Vous êtes sûre, même si je vous dis que c’est pas…‘’
‘’ Oui, vas-y, ça ne changera rien, tu peux tout nous dire ‘’
‘’ Même si je vous dis que ….’’
‘’ Allez, vas-y maintenant ‘’
‘’ Même si je vous dis que c’est une fille ‘’
Imaginez-vous à 100 m d’altitude accroché à un élastique en train de chercher tout votre courage pour sauter, et puis sans réfléchir, en ¼ de seconde vous sautez…
… et puis le vide, le silence.
‘’Oh Merde !!!’’ a été la réponse immédiate de ma mère, un peu comme si elle venait de perdre 10 millions au loto ou comme si elle venait de faire une tâche monstrueuses sur son chemisier neuf. Ensuite je la revois quitter la cuisine. Et mon père seul face à moi cherchant désespérément à prouver sa capacité à réagir positivement en toute circonstance, en me posant des questions aussi inintéressantes qu’inutiles telles que ‘’ et elle fait quoi comme métier déjà ? ‘’ ; ou encore ‘’ Bah c’est bien, ce qui est dommage c’est pour avoir des enfants, mais bon maintenant avec le pacs…’’ il s’emmêlait les pinceaux pour ne pas perdre la face et surtout ne montrer aucune émotion.
Ma mère est revenue 10 mn plus tard avec un mouchoir à la main en saignant du nez, puis me disant que le plus important était que je sois heureuse et en bonne santé, et que de toute façon il ne fallait jamais se fâcher avec les enfants.
Leur réaction était tellement positive, que ça ne paraissait pas vrai, ça paraissant trop parfait.
En fait j’ai compris plus tard que c’était pour me protéger qu’ils avaient réagit comme ça, c’est moi qui avait peur de leur faire de la peine, et voilà que c’était eux qui jouaient un rôle pour ne pas me montrer leur déception et ne pas me faire de la peine.
Ensuite nous n’en avons plus trop parler, et puis le soir je suis repartie chez mon amie
J’étais soulagé sur le moment, mais il persistait une certaine insatisfaction, leur réaction trop parfaite n’avait pas l’air réelle, et je n’étais pas satisfaite, pas complètement soulagée.
Et puis silence radio. Alors que ma mère m’appelait environ 2 fois par semaine, plus de nouvelles. J’étais incapable de les appeler, je n’aurais pas su quoi leur dire, et surtout, je redoutais une conversation banale où l’on aurait bien sûr occulté le sujet.
Alors face à cette situation bloquée, je me suis décidée à leur écrire une lettre. Dans cette lettre je leur expliquais que la dernière chose que je souhaitais était de leur faire de la peine, mais que c’était comme ça, qu’il n’avait pas plus le choix que moi et qu’il devait accepter puisque je ne pouvais pas changer. Ma mère à répondu également par l’intermédiaire d’une lettre.
Une phrase m’a littéralement effondrée : ‘’ J’ai beaucoup souffert à la mort de mon père et de mon frère, mais là c’est vraiment trop dur ‘’
Et puis elle termine sa lettre en disant : ‘’ Pour nous ton amie, cette fille, ne sera toujours qu’une de tes très bonnes amies, essaye de transformer ça en une belle amitié pour changer sans souffrir’’
Dans la seconde j’ai téléphoné à ma mère en pleures en lui disant qu’elle n’avait pas compris ma lettre et que je ne pouvais pas accepter ce qu’elle me demandait. Je lui ai répété que j’étais très malheureuse de les faire autant souffrir mais que je ne changerais pas. Je sais qu’ils ont passé quelques jours de profonde dépression à ne plus avoir envie de rien, et à ne plus manger ni sortir.
Je connaissais à présent leur souffrance, mais ils ne m’acceptaient toujours pas. Alors les réunions de familles se sont poursuivies, environ une fois par mois on se réunissait chez mes parents avec mon frère, sa copine et moi, moi seule. Plus un mot sur le sujet. Ma mère m’appelait à nouveau de temps en temps dans la semaine, on se voyait aux réunions de famille, et ce que je redoutais s’était installé progressivement, la vie avait repris son cours normal en apparence et on n’en parlait pas.
Alors un jour j’ai décidé que s’ils ne me proposaient pas de venir avec mon amie, ce serait la dernière fois que j’irais chez eux. Et ce n’est sûrement pas un hasard que ce même jour ma mère à profité que nous soyons seules pour me faire une proposition que je ne suis pas prête d’oublier.
‘’ tu devrais nous inviter à manger chez toi avec ton frère et sa copine, et ta copine’’
Quel pas elle venait de faire. C’était à son initiative, elle proposait de rencontrer et connaître mon amie.
Peu de temps après j’ai organisé ce repas. Mon frère et sa copine n’était toujours pas au courant selon la volonté de ma mère qui m’avait fait promettre de n’en parler à personne, mais tout c’est très bien passée, et j’étais la plus heureuse.
Quelque temps après j’ai pu engager la conversation avec elle sur ce sujet, pour savoir ce qu’elle ressentait avec un peu de recul. Au début c’était la façon dont mon amie et moi on pouvait se tenir en société qui l’avait inquiété ‘’J’espère que vous vous tenez bien ! ’’ C’est dire jusqu’ou peuvent aller les préjugés et certainement aussi l’influence médiatique. Je l’ai vite rassuré sur ce sujet en lui disant que ma relation était aussi normale et discrète que celle de mon frère et sa copine.
Le regard des autres est très dur pour elle, c’est pour ça qu’elle ne veut pas que je le dise, et n’est pas prête à entendre des ‘’oh ma pauvre qu’est-ce qui t’arrives’’ elle pense que c’est elle qui va être jugée, et que c’est beaucoup plus dur pour elle que pour moi. La perspective de ne peut-être pas être grand-mère est également dure à accepter.
Un jour pour mon anniversaire, mes parents ont invité tous mes amis chez eux et ont organisé une grande fête, sans que je sois au courant. Je crois que ça aussi ça les rassuré, de voir que mes amis qui sont hétéro m’acceptent naturellement sans se poser de questions, et qu’ils ne faisaient pas de différence, ils avaient besoin de le voir.
Aujourd’hui ça se passe plutôt bien, je sais qu’ils ont beaucoup apprécié mon amie, sans nous considérer uniquement comme de très bonnes copines. On ne parle pas vraiment de mon homosexualité mais je pense que mon frère ne lui parle pas non plus vraiment de son hétérosexualité. Et puis le principal a été dis, même si j’aimerais quand même pouvoir aborder le sujet de manière plus naturelle avec eux de temps en temps.
Entre temps j’ai mis mon frère au courant, il s’en doutait depuis quelques mois, et ça ne lui pose pas de problème. Lui qui pourtant 10 ans auparavant avait dis ‘’Moi les gouines je trouve ça dégueulasse !’’ c’est une émission télé sur le coming out qui lui avait fait changer sa vison des choses, il a vu des gens normaux qui souffraient de devoir faire du mal à leur proche.
Même si je ne peux pas vraiment savoir comment ils auraient réagit il y a 15 ou 20 ans, je pense ne pas beaucoup me tromper dans les termes que j’ai employé plus haut. Une chose est sûre ça ne se serait pas passé comme aujourd’hui.
Je trouve que j’ai beaucoup de chance, ils ont réagit rapidement, avec beaucoup d’intelligence et surtout beaucoup d’amour